Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement spécifique à l’endométriose. Pourtant, selon l’INSERM, une femme sur dix en serait atteinte et 70% des patientes souffriraient de douleurs chroniques invalidantes.
Alors, comment faire face à la souffrance ? Quand l’intervention chirurgicale ou les traitements hormonaux ne sont pas recommandés, comment se soulager ?
“Je pense que l’endométriose nécessite d’apprendre à se gérer comme on peut et surtout au quotidien, explique Marion, endogirl de 30 ans. Chaque technique est très personnelle et dépend de sa maladie et de son état. Personnellement, plutôt que de gober des médicaments en attendant que ça passe, j’ai préféré prendre le problème à la racine en bougeant et en pratiquant le yoga, en faisant des exercices de respiration et de la méditation. Je prends soin de mon corps de l’intérieur en faisant attention à mon alimentation et en évitant les repas inflammatoires, et de l’extérieur avec l’aide d’ostéopathes.”
De son côté, Mylène, 26 ans, a également jugé l’ostéopathie particulièrement efficace, ainsi que l’acupuncture.
Elle confie : “Grâce à ces méthodes et après dix années de pilule qui m’ont causé beaucoup de problèmes, je ne prends plus aucun moyen de contraception et pourtant ma douleur est maîtrisée. Je ne souffre pas plus qu’avant, je dirais même que parfois je souffre moins. Je ne suis plus en colère avec mon corps, j’écoute ses signaux et c’est comme ça que j’arrive à gérer la maladie.” Pour celles qui, comme nos témoins, cherchent des solutions alternatives ou veulent les essayer en complément de leur traitement, focus sur trois méthodes thérapeutiques non médicamenteuses : la kinésithérapie, la sophrologie et le yoga.
La kinésithérapie
“On sait que l’endométriose est une maladie qui crée des lésions, expose Caroline Mollard, masso-kinésithérapeute, or ces lésions créent des adhérences et, à cause de ça, on observe une perte de mobilité des tissus, des organes entre eux, ce qui cause des douleurs.”
La kinésithérapie permet donc de travailler deux choses : en externe, la mobilité au niveau du ventre, des viscères et aussi les douleurs de types sciatiques ou lombalgies (des douleurs fréquentes liées à l’endométriose), ce qui peut être réalisé par un.e kinésithérapeute “classique” ; en interne, la rééducation du périnée, ce que pratique Caroline Mollard.
“En pratique, peu de kinés le font en externe car les patientes vont assez vite voir les ostéopathes, ce qui est très bien car on travaille ensemble”, commente la spécialiste.
Elle recommande aux patientes entre dix et vingt séances, à raison de deux par semaine.
Ensemble, elles s’intéressent aux dyspareunies, les douleurs ressenties pendant les rapports sexuels, en majorité dans le fond du vagin (“dyspareunies profondes”) mais aussi à l’entrée (“dyspareunies d’intromission”).
“Quand la patiente vient en consultation la première fois, je lui montre deux étirements à reproduire seule ensuite, matin et soir. Un étirement des adducteurs : la patiente est allongée sur le dos, les deux pieds sont collés, jambes en crochets, fléchies, et elle laisse tomber ses genoux à l’extérieur. Le second, un étirement du muscle piriforme, c’est-à-dire des fessiers : la patiente est toujours allongée sur le dos, jambes en crochet, mais elle passe le pied droit devant le genoux gauche et, avec ses deux mains, elle amène la cuisse gauche sur le ventre. On le fait dans les deux sens, bien sûr.”
Ces étirements doivent être maintenus 30 secondes, puis relâchés pendant 15 secondes, le tout répété trois fois.
Caroline Mollard procède ensuite à des massages “relaxation du périnée”.
“Les gens ne savent pas forcément que ça existe, dans le milieu médical déjà, et dans la société en général. Il y a un tabou autour de cette pratique alors qu’elle est efficace. Ce qui est sûr, c’est que cette douleur persistera si on ne fait rien. Plus on va toucher, plus ça va partir.”
Ces massages se concentrent sur la zone appelée “fourchette vulvaire“, très sensible car très contractée pour éviter la pénétration, devenue douloureuse. L’objectif est de la détendre pour retrouver la souplesse et reprendre possession de son corps.
“Installée dans un endroit où on se sent à l’aise, avec un lubrifiant très efficace - qui ne sèche pas, c’est essentiel - on masse d’abord avec un doigt à l’entrée du vagin (privilégiez le pouce, l’index ou le majeur, il faut que ce soit confortable). On vérifie que la douleur soit supportable et ne dépasse pas les 3 ou 4 sur 10. On fait des petits mouvements de droite à gauche, circulaires ou d’entrée/sortie.”
Cet automassage doit être fait tous les jours pendant trois à quatre minutes. Au fil du temps, quand la fourchette vulvaire est moins douloureuse, vous pouvez utiliser deux doigts pour vous masser puis aller plus loin dans le vagin, jusqu’au fond.
“Beaucoup de femmes me disent qu’elles retrouvent un confort dans les rapports sexuels grâce aux séances, que la douleur diminue voire disparaît chez certaines”, conclut la kinésithérapeute.
Voir le site de Caroline Mollard : https://physioinparis.com/
La sophrologie
Corinne Dupuy est sophrologue et aromathérapeute. Elle a mis au point un protocole personnalisable pour répondre aux besoins des endogirls, qui représentent 80% des personnes qu’elle reçoit en consultation.
“Nous travaillons énormément sur la gestion de la douleur, détaille-t-elle, sur le stress qui joue sur la tension nerveuse et musculaire et qui devient un processus chronique qui engendre des alertes au niveau du cerveau. Une fois qu’elles ont appris à mieux gérer, la sophrologie leur permet de ‘défocaliser’. Cela diminue l’intensité des douleurs.”
Une dizaine de séances est recommandée, espacées de dix à vingt jours, mais la spécialiste explique que le nombre peut être réduit à quatre ou cinq séances pour celles qui maîtrisent déjà bien la méditation.
La première séance dure 1h30 dont 40 minutes sont dédiées à l’écoute.
“Je pose des questions sur l’alimentation, le sommeil, le travail, les loisirs et la vie personnelle. J’ai besoin de comprendre comment les femmes se sentent dans leur corps, quel impact la maladie a sur elles. Ce qui est primordial, c’est qu’elles se sentent à l’aise, elles aussi, avec le ou la thérapeute et avec sa voix, notamment, qui est un élément très important.”
L’ambition de la sophrologie est de “libérer les émotions négatives” et de les remplacer par des idées positives. De vider son sac, en quelque sorte, pour retrouver le calme et la sérénité.
“C’est une méthodologie qui permet de relier la tête et le corps, souligne Corinne Dupuy. On travaille sur des exercices de relaxation dynamique pour chasser la colère et on cible des endroits spécifiques. Par exemple, le stress se retrouve souvent en haut du corps : la tête, les épaules, les trapèzes. On va détendre cette partie-là et, en même temps, cela va permettre de lâcher la pression mentale. Ensuite, en deuxième partie de séance, on fait de la relaxation, ce qui est proche de la méditation, en se basant sur leur objectif.”
Parmi les outils utilisés par la sophrologue : le sac de sable !
“Je propose aux femmes de frapper dedans comme des apprenties boxeuses. Il y a souvent des larmes, mais plus on fait sortir sa colère, sa tristesse, mieux on se sent.”
Afin de les aider à extérioriser, elle a également recours au TTT, qui signifie Technique de Tapotement du Trauma et consiste à tapoter sur des points précis du visage, du torse ou de la main, pour permettre aux émotions et au trauma de s’évacuer.
“De nombreuses personnes qui ont de l’endométriose ont subi des attouchements ou des viols quand elles étaient plus jeunes, détaille Corinne Dupuy, c’est un sujet que l’on aborde. On travaille dans ce cas l’estime de soi, qui a été abîmée.”
Et parce qu’elle est formée à l’aromathérapie, la spécialiste propose généralement une huile essentielle à utiliser en parallèle des exercices.
Voir le site de Corinne Dupuy : https://www.sophro-resilience.com/
Le fertility yoga
Coach sportive diplômée en APA (Activité Physique Adaptée), Charlotte Muller a développé sa propre méthode de yoga, le fertility yoga. Contrairement à ce que le nom peut laisser penser, il ne s’agit pas seulement d’un yoga pour tomber enceinte.
“C’est avant tout un travail sur la fertilité, ce qui est différent, commente la professeure. Pour être capable de tomber enceinte, il faut avoir un bon équilibre hormonal, savoir comment on est constituée et comment notre cycle fonctionne.“
L’idée est donc d’une part de moduler l’intensité de sa pratique en fonction des moments de son cycle, d’autre part d’ajuster sa pratique en fonction de ses douleurs.
“Dans l’absolu, ce n’est pas le yoga en lui-même qui est recommandé en cas d’endométriose, car 80% des positions de yoga sont douloureuses. En revanche, quand on choisit les bonnes positions, qui vont favoriser un meilleur placement du bassin, alors on peut vraiment soulager les douleurs provoquées par les lésions d’endométriose.“
Sachant que toutes les endométrioses ne sont pas les mêmes, Charlotte Muller demande systématiquement aux participantes de remplir un formulaire pour connaître leurs profils hormonaux, mais aussi le moment de leur cycle dans lequel elles se trouvent.
“Pour celles qui ont des lésions au niveau de la vessie, je vais plutôt les mettre sur le dos, pour que la pression subie à la verticale diminue ; à l’inverse, si les lésions sont situées sur les intestins, être allongée sur le dos ne sera pas le plus efficace, alors je vais proposer de s’installer sur le côté avec un genou qui glisse sur l’avant.“
L’objectif est de trouver les postures qui soulagent la pression à l’intérieur du bassin, pour ouvrir les hanches et décongestionner.
En première partie de cycle, si le corps le permet, le yoga peut être plus dynamique, mais en seconde partie il est important de privilégier un yoga doux.
“Rajouter de la crampe sur la crampe, ça n’a pas de sens, commente la coach. Il y a certaines élèves que je ne vois qu’une fois par mois, deux ou trois jours avant leurs règles. Elles sont nombreuses à me dire qu’elles n’ont plus besoin d’antidouleurs durant les crises grâce à mes cours.“
En plus du travail sur le positionnement du bassin, c’est surtout l’apprentissage d’une bonne respiration qui fait la différence. La technique ? Respirer dans le bas ventre.
“Le secret c’est de placer les paumes des mains à plat sur le ventre, pouces dans le nombril et doigts vers le pubis, comme un petit losange, conseille Charlotte Muller. Dans la zone formée par nos mains, on inspire en soulevant le bas ventre, puis on expire en le laissant redescendre - l’expiration devant être deux fois plus lente que l’inspiration. En fait, on masse le ventre grâce à notre respiration.“
Proche de la cohérence cardiaque, cette technique s’avère d’une grande efficacité pour celles qui souffrent de douleurs liées à leurs règles. Et si vous essayiez ?
Voir le site de Charlotte Muller : https://www.charlottemulleryoga.com/
Rédigé par Chloé Thibaud - Journaliste